mercredi 13 juin 2012

L'omnicrise


Mardi matin, rendez-vous chez l’orthophoniste à l’hôpital de Sant Pau, dans ses installations ultra neuves, clinquantes, lumineuses, architecte star, Espagne pré-crise, désormais inondées par d’énormes banderoles dans le grand hall d’entrée, hôpital en lutte,  calendrier des mobilisations, ministre démission, etc. On commence par réviser les règles d’hygiène de la voix. « Tu es dans un bar, volume sonore élevé, tu cries, tu parles avec tes amis, à tout hasard, de la crise ». Rire complice. « À tout hasard, de la crise ».

Dernière semaine de cours avec les étudiants de Retitulació, une année qu’ils ont inventé après Bologne pour pouvoir passer de Bac +3 à Bac + 4, et permettre ainsi aux travailleurs de garder leur statut en crachant un peu d’argent. On se retrouve autour d’une bière en terrasse, avec des adultes professionnels, habitués aux conversations policées et consensuelles, et on entame la plus consensuelle des conversations : il faut guillotiner tous les politiciens et tous les banquiers. 

Vous l’avez compris : dans l’ascenseur, au marché, dans le taxi, chez le dentiste ou aux putes, on ne parle plus du temps qu’il fait, on demande comment se porte aujourd’hui la Prima de Riesgo, c'est-à-dire, le différentiel des taux d’intérêt de la dette espagnole par rapport à l’allemande. C’est l’omnicrise. Voilà, avec quelques licences poétiques, à quoi ressemblent les cancans desfemmes de ménage aujourd’hui : 





Exagéré ? On peut trouver trois mil exemples de comment les propos plus ou moins élaborés sur la crise ont envahi tous les champs d’expression, de la cuisine au foot. Tenez, Carlos Arguiñano, notre Maïté à nous, chef star et éternel visage de la télé espagnole. Depuis quelques semaines, il passe ses émissions à découper des calamars et faire frire des oignons tout en expliquant qu’il faudrait commencer par émasculer les responsables de ce bordel. Et sous son couteau, c’est les tripes de nos dirigeants que l’on voit se vider :




Une version plus élaboré, plus Dibiesque, c’est celle du Comidista, bloggeur gastronomique archiconnu dans El Pais, qui s’occupe normalement de savoir pourquoi les croissants espagnols sont si dégueulasses, et qui la semaine dernière nous a offert une tribune à charge contre le PDG de Mercadona, l’enseigne leader de la grande distribution espagnole, qui a proposé la Chine comme modèle à suivre pour que l’Espagne surmonte ses difficultés.

Samedi dernier, la banque espagnole est au bord de l’abîme, l’opération sauvetage de Bruxelles est déclenchée. Le site de musique branché Jenesaispop, qui fait la pluie et le beau temps dans les milieux cool,  dresse un top 10 des chansons pour un sauvetage, qui commence aussi par une tribune à charge et termine par la chanson Estafa, l’arnaque, qui renvoie évidemment au cri des indignés, « No es crisis, es estafa ».



Allez, dernier exemple, la remise du prix « catalan de l’année » (Oui, le nom du trophée est ridicule), devant les plus hauts responsables politiques catalans, dont le Molt Honorable President Mas (sic). Cette année, c’était pour le commentateur sportif Josep Maria Puyal. Son discours, à réminiscences presque gaullistes ou churchiliennes, directement adressé à Mas, en a fait pleurer plus d’un devant sa télé. 




L’omnicrise je vous dit.

mardi 12 juin 2012

La démocratie est morte...(1)

...dimanche soir.

Elle a claqué sans faire trop de bruits. Dans l'indifférence générale, ou presque. Entre Roland-Garros, l'Euro de foot et les derniers bouts de chair que colle quelque malade mental sur les murs.

On me dira que tout ne s'est pas joué ce fatal dimanche 10 juin. On aura raison. On pourra même dire que tout cela était presque programmé, joué d'avance. Que les coups mortels furent nombreux à précéder celui-ci. Qu'il en sera même peut être d'autres qui nous éblouirons ou nous éclabousserons à peine. Peu importe.

L'autre soir, fatale me parut la conclusion.

40% d'abstention pour un scrutin législatif. Un record parait-il. Mais les records d'abstention ne cessent d'être battus depuis 20 ans, alors, ça n'émeut plus personne. A part les hypocrites ; ou ceux qui ont encore à la bouche, pour la forme et presque un sourire cynique en coin, la rhétorique de "l'abstention est un signal que nous envoient les électeurs "dans les fameux "éléments de langage" que des Etats-Major leur distillent.

L'Assemblée Nationale, apprend-t-on depuis le collège, est dépositaire du pouvoir législatif. En l'espèce elle est l'émanation de la souveraineté populaire, ou nationale. Dans une démocratie représentative, modèle qui a eu cours entre la fin du 19e siècle et le 20e siècle en Europe et un peu partout dans le monde, elle est censée être l'incarnation du pouvoir du peuple des citoyens. Vous savez, ce qu'on appelle la démocratie.
Il est vrai que son acception française depuis 1958 était quelque peu spéciale. Un président fort, une Assemblée qui ne saurait être trop indépendante et en tout cas trop remuante comme elle l'aurait été par le passé. Mais depuis 2001 cette spécialité française que d'aucuns en leur temps avait jugé quasi-dictatoriale avait pris un tour des plus pervers. Cela s'est fait dans la plus grande discrétion. Le poison plus que le couteau. Un référendum qui ne devait être que technique, un autre "record" d'abstention cette fois là, un consensus général pour une question piégée. Étiez vous pour réduire le mandat présidentiel à 5 ans ? Oui nous l'étions. Mais étiez-vous pour l'inversion du calendrier ? Hein ? de quoi me parlez vous ? Oui oui, un truc technique. On met l'élection présidentielle avant les législatives, c'est plus pratique hein ? Ah oui, si vous le dites. Et ils le firent. Merci Jospin. Ton inconséquence politique que tu maquillais bien derrière tes traits de sage et incorruptible professeur protestant, nous la payons encore. Nullard. Prétentieux.

On aurait voulu flinguer la représentation nationale qu'on ne s'y serait pas pris autrement. L'élection présidentielle est restée ce moment absurde et stupide où se concentre les attentes politiques des Français si merveilleusement éclairées par des médias libres et pluriels (et parfois gratuits). Quant à la législative, elle n'est désormais que le passage obligé, formel, l'ajustement qui se fait après la grande bataille quand vient l'heure de la lassitude extrême et qu'il faut en finir avec le "temps" politique électoral. Comprenez bien alors que les Français sont usés par tant de semaines de tensions politiques, ils ont besoin de sport à la télé, de vacances et de changement, car il est maintenant, mais pas tout de suite, vous attendrez qu'on retrouve le tube de vaseline à rigueur. L'élection législative qui doit décider ce que le peuple souhaite pour lui n'est plus que la chambre d'enregistrement et de validation du pouvoir du Prince souverain. La démocratie parlementaire est bien morte mais ses blessures ne datent pas d'hier.

Là se greffe l'autre plaie: le mode de scrutin, majoritaire à deux tours qui favorisent les grands partis. Lesquels n'ont, si le Prince est de leur rang, même pas à faire campagne. Juste laisser faire les hérauts de l'évidence et de la "normalité" proclamée en principe d'action, et de la nécessaire application du programme du Chef. Saupoudrons le grand ennui organisé sur la toile de l'éclatement et de la dispersion du débat en de multitudes de particularités locales, de rivalités, d'enjeux d'investiture et de réélections, de circonscriptions et du terrible sort qui attend les "personnalités", notamment ces ministres fraichement nommés sur la base...de rien...de la volonté du Prince et vous obtiendrez cette immense foutage de gueule généralisé dont plus personne n'est dupe, que tout le monde avait déclaré joué d'avance (c'était déjà le cas en 2007). Quand la presse politique se fait people. Quand la confusion la plus totale règne et que tout semble possible pour cette caste de gouvernants. Comme si deux cliques s'entendaient à tour de rôle pour gouverner la France. Voilà bien d'ailleurs qui alimente le "tous les mêmes" auquel on a de plus en plus de mal à opposer des arguments du reste. C'est là que prospère Le Pen. Car ne sont-ils pas tous les mêmes là, à courir après ce qui, non content d'avoir un sens obscur (mais nécessaire) dans le fonctionnement idéel d'une démocratie, à savoir une députation, est peu à peu dépossédé de sa souveraineté et de ses prérogatives.

Voyez la cette carte des circonscriptions. Elle ressemble à s'y méprendre à une carte administrative d'Ancien Régime où se superposaient, s'entrecroisaient des Institutions et des pratiques nouvelles, anciennes, en désuétude dans des découpages alambiqués et absurdes...Rien n'est en plus proche que la carte des circonscriptions, vaste ensemble colorée et hétéroclite dont on se doute bien que la démographie n'est qu'un des paramètres qui président à leur dessin, souvent fort arrangeant pour le ponte local. Image de notre système électoral : des hobereaux, des notables locaux à la conquête d'un fief qui les inscrira dans l'Album de la Cour du Prince.
Voir  le déplorable spectacle des querelles intestines au PS entre Ségolène Royal, ex-compagne du Prince et un concurrent, soutenu par la Première Dame, et on se dit qu'il y aurait décidément bien de vulgaires têtes couronnées à faire encore tomber la prochaine fois.

L’Assemblée Nationale est patiemment devenue le chaînon manquant entre le Conseil Général des Landes et la Chambre des Lords britannique. A pleurer. Vous avez encore envie de voter vous ? Moi plus. Surtout que notez bien qu'on garde quand même que les deux, voire les trois, meilleurs au 2nd tour. Les autres peuvent aller se faire foutre. Pas assez représentatif déclare-t-on. N'auront droit de siéger que ceux qui font allégeance au système monarchique et à l'ordre des choses, c'est à dire ceux qui y ont intérêt, ceux qui voient dans le président le dispensateur des bienfaits et des bénéfices mais aussi une image agrandie renforcée et prolongée d'eux mêmes, petits princes locaux liés par la grâce électorale à leur menu peuple dont ils seraient les avocats parisiens. Le PS et ses affidés recommencent toujours la même histoire, le PS, par manque de courage politique et par inertie systémique autant que par aveuglement, nous emmène ni plus ni moins dans le mur fasciste, lequel établit ses fondations à tel point qu'il joue l'arbitre et le grand manitou à droite et dans l'élection. Le FN, pour ne pas le nommer, qui renoue très tranquillement avec cette effrayante habitude fasciste consistant à dresser des "listes" de personnalités à éliminer...pour l'instant électoralement. Le PS pleurera sans doute quand son tour viendra de prendre le train de l'exil ou du camp, en faisant mine d'oublier qu'il n'a volontairement pas fait de campagne, qu'il ne parle plus de politique depuis des lustres et qu'il n'est que le tremplin d'une foule d'arrivistes en tout genre, tout cela parce que l'abstention l'arrange, et que toute une superposition de notables engoncés dans des pratiques d'un autre âge se doivent d'être élus ou réélus.

La démocratie représentative est morte mais sa conception française était-elle franchement à sauver ? L'idée de représentation en soi n'est-elle pas à refonder complètement en revenant à une définition purement technique du mot : un représentant n'est pas, il représente. Il ne devrait pas avoir d'existence de carrière tant que dure son mandat. Lequel devrait se redéfinir autour de la notion de charge et non pas de carrière. On pourra réfléchir à un autre modèle, les pistes existent...mais pas l'ombre d'un changement institutionnel ne verra le jour parce que le pouvoir reste le pouvoir, parce qu'il en est ainsi , peut être plus qu'ailleurs, en monarchie référendaire.

Pendant ce temps là....à droite...

samedi 2 juin 2012

Je suis contre le droit de vote des immigrés, je vote UMP

 


Je vous connais, ne niez pas, vous êtes des optimistes. Pas des bienheureux bibliques, de ces insouciants par ignorance, de ces optimistes béats mais des optimistes quand même. Je vais même vous révéler à vous-mêmes en vous nommant avec justesse: vous êtes des "optimistes pragmatiques". Ne vous récriez pas et réfléchissez-y.

 Je vous comprends; personne ne veut être malheureux. Et il est bien vrai que passer ses journées et du coup ses nuits à penser aux malheurs passés, aux présents et à ceux qui ne manqueront pas de venir donne une folle envie de se pendre. Et je vous vois tous, à l'affût de la moindre occasion de vous réjouir, guettant, tels des suricates inquiets, le moindre événement rassurant, quémandant même un peu de divertissement pour cacher les horreurs du monde.

Je vous comprends et je ferais comme vous si je le pouvais... mais je suis un peu comme Cole Sear dans 6e sens qui voyait des morts partout, sauf que moi, je vois des catastrophes partout et tel le Caïn de Victor Hugo, je ne puis fuir cet œil immonde et tyrannique... Bon trêve de grandiloquence, de préliminaires aussi interminables que creux et venons-en au fait. 


Vous êtes de ceux qui se sont réjouis de voir disparaître Sarkozy de la sphère médiatico-visuelle. Vous êtes, peut-être même de ceux qui pensent qu'il a définitivement quitté la politique. Si c'est le cas, je suis désolé pour vous. Premièrement il reviendra sûrement et deuxièmement même sans lui l'UMP est un parti de fachos. Si vous n'aimez pas l'utilisation de ce mot repassez-vous le clip en boucle. Vous l'avez fait et vous n'êtes toujours pas d'accord? Je ne peux rien faire pour vous, vous êtes de droite et vous devez quitter immédiatement ce blog.


Pour ceux qui m'accuseraient d'exagération, voyez comme, en comparaison,  le clip de la vague Bleu Marine semble mesuré:


Dans ce monde, on a le droit de donner de l’huile de vidange aux humains,
Mais pas d’huile de table aux voitures,

Dans ce monde, on t’invite à faire partie d’un club pour boire du café,
Mais on ne te laisse pas rentrer en boîte,

Dans ce monde, on te propose la carte de fidélité Carrefour,
Mais aussi de t’inscrire au club libertin,

Dans ce monde, tu peux faire le 71515 et taper COCU, pour savoir si tu l’es,
Mais impossible de joindre Pôle Emploi,

Dans ce monde, la vie, la vraie, c’est Auchan
Paraît-il,

Dans ce monde, on revient de tout,
Surtout si l’on n’est parti nulle part,

Dans ce monde, on fait plaisir aux enfants blancs avec du chocolat,
Récolté par des enfants esclaves noirs,

Dans ce monde, on crée de la convivialité sur des murs fictifs,
Cependant qu’on en construit de vrais pour rester seul,

Dans ce monde, on veut tout,
Pour rien,

(Axelle)


Dans ce monde, on peut "démocratiquement " nommer tout un gouvernement,
Sans qu'aucune assemblée représentative n'ait été élue.

Dans ce monde, on peut consciencieusement voter à gauche,
Et se comporter comme le pire des exploiteurs avec ses employés.

Dans ce monde, on peut bombarder le spectateur avec de la cuisine hype et recherchée à toutes les sauces,
Et laisser les 8/10e de l'humanité se nourrir de merde.

Dans ce monde, la Grèce creuse son trou chaque jour un peu plus,
Avec les seuls intérêts des prêts qu'on lui fournit pour reboucher ce trou.

Dans ce même monde, l'Allemagne impose la dèche à ses voisins pour son bien être,
Sachant que celui-ci dépend tout de même de la bonne forme de ceux-là.

Dans ce monde on peut cumuler les Gigaoctets de musique sur un disque dur,
Mais ne rien comprendre pour autant à la musique.

Dans ce monde, quantités de gens pérorent en spécialistes sur tout et n'importe quoi,
Tout en masquant à merveille le fait qu'ils ne connaissent en vérité rien à rien.

(Le Rageux)

Dans ce monde, tu peux avoir 100 000 amis,
et n'en connaître aucun.

Dans ce monde, t'es dans le mouvement
si tu restes chez toi, devant ton clavier.


Dans ce monde, tu ne peux être arabe
que si tu portes une casquette à l'envers

Dans ce monde, tu ne peux être révolutionnaire
sans avoir voté Mélenchon au premier tour.

Dans ce monde, tu peux te dire écolo
et avoir trois voitures.

Dans ce monde, "Non"
signifie "on revote".

Dans ce monde, on te fait manger de la merde
enrobée de communication.

Dans ce monde, tu as le droit de tenir des propos nazis
tant que tu y mets un :-)

Dans ce monde, tu peux être sex addict
sans jamais avoir touché une femme.

(Le Bougnat)

Dans ce monde, tu peux vouloir un chaton
mais t'as trop d'amis qui te disent "NON".

Dans ce monde, tu bouffes chez ta voisine
et tu regrettes ta boîte de raviolis.

Dans ce monde, tu veux te recycler
mais on te dit que t'es trop diplômé(e)

(La chienlit - youhou!)